« Nous allons nous unir pour ne former qu’un. Laissez-vous guider par le vortex sans opposer de résistances, abandonnez-vous. Cherchez à atteindre l’essence de votre être. Libérez-vous ».

Un manteau d’ombre recouvre Shade, Djalesh se pare de son manteau mortuaire, Annabelle ne change pas ou si peu. Allons ! Est-ce cela l’essence de leurs êtres ? Il s’agit de s’enfoncer par delà cet épiderme trompeur. Ils se concentrent à nouveau, leur pulsation cardiaque ralentit, l’environnement proche s’étiole, s’efface, disparaît.

Shade aperçoit des lignes de forces, des raies de lumière brisés, des mondes qui défilent, des visages connus, Kabbale, Évelyne,… Malgarohne chevauche les ombres, se cabre. Shade se voit saisir son encolure et l’enfourcher. Hormis les deux mains qui la relie au monde terrestre, plus rien ne la retient ici.

Djalesh ne discerne… rien. Le noir lui répond. Une franche obscurité. Il plisse les yeux. Au loin, un point lumineux émerge dans la nuit, s’approche à grande vitesse. Son aura noire irisée de rouge, aux franges violettes fend les ténèbres, des pans de monde se séparent, des dieux soupirent et trépassent. Djalesh tente de l’éviter mais rien n’y fait. Le point lumineux cingle vers lui inexorablement… Il croit lever les mains pour se protéger mais ses mains ne lui répondent plus. Un night mare monstrueux qui se nomme Hurt surgit de nulle part. Ses mains se saisissent de sa bride. Il saute lestement sur son dos et foncent ensembles vers le point devenu épée. Une épée rougeoyante qui hurle dans la nuit.

Des visages virevoltent autour d’Annabelle, certains connus, d’autres mystérieux. Annabelle se tourne vers l’un d’eux. Ce dernier s’éloigne quand un autre se rapproche. Elle tourne sur elle-même sans qu’elle puisse jamais les atteindre. Ils entament une danse, lento tout d’abord, puis la cadence s’accélère tandis que les visages se mêlent et tourbillonnent dans un rythme endiablé. Une valse à cinq temps qui…

Unis, ballottés au cœur du vortex, ils s’accrochent, tanguent, penchent dangereusement vers le bord, là où les turbulences augmentent… repoussent un chien de l’espace qui tentait de s’introduire dans l’habitacle protecteur. Trop occupée à s’interroger sur elle-même, Shade devine qu’ils empruntent sans le savoir l’abîme des mondes. Pas le temps d’analyser la situation car leur être se déchire, les derniers maillons qui les retiennent à leurs corps cèdent, ils se scindent, se découplent.

Épuisés et groggy, Djalesh et Shade retombent lourdement sur le sol pierreux de la prison. Annabelle a disparu. Ils entendent sa voix cristalline résonner alors qu’elle se fondait dans les ténèbres.