Tonerin. Il s’appelle Tonerin. De petite taille, c’est homme à l’aspect massif et au corps musculeux sera leur guide jusqu’à Fant. Des traits épais, une bouche carrée, des yeux gris sombres indiquent un tempérament farouche, presque sauvage. Il se dégage de cette personne une impression de force brute et une brutalité qui vous tétanise. La lourde hache en argent qu’il tient fermement n’est pas de nature à les rassurer. Pourvu que ses nerfs ne le trahissent pas. Une fois libérée, sa fureur doit être terrible

Shade et Djalesh se tiennent à distance. Le plus loin possible. Une discussion s’amorce. Comment veulent-ils se rendre à Fant et dans quels délais ? Une fois ces préceptes établis, le voyage peut commencer. Que dire ? Se sont-ils déplacés ? Des rideaux de brume défilaient sur les côtés. Devant eux, leur guide avançait, imperturbable, pourfendant les colonnes de fumée qui se dressaient devant lui. Il les rejetait de part et d’autre d’un geste énergique. Jamais il ne se retourna pour vérifier leur présence. Enfin, la brume se déchira, dévoilant une plaine bourbeuse encombrée par une marée humaine. Cette horde se déplace compacte vers les hautes murailles qui se dessinent au loin. Dans le lointain, la silhouette de Tonerin disparaît.

Combien de temps s’est-il passé ? Pourquoi sont-ils ici ? Il s’agit de Fant au loinune personne s’y trouverait emprisonnée dans un lieu de culte de la ville. Une personne qui leur est très chère, c’est le sentiment qui domine. Ils la connaissent de longue date. Le mariage avec Maïale, les guildes, tous ces souvenirs ont été effacés lors du voyage. Le plan de la ville est resté imprimé dans leur esprit. Les souvenirs des forces en présence reviennent par bribes. N’y avait-il pas une alliée éventuelle qui révérerait Ael ? Pour l’essentiel, tout s’est désagrégé dans les méandres du temps.

Ils se fraient un passage parmi la multitude, n’hésitant pas à pousser ou écraser tous ceux qui leur résistent. La foule se presse aux abords des portes massives de la ville. Les gardes sont omniprésents et vigilants. Un marchand négocie son passage, il tergiverse. Djalesh, Shade et Mosaûl débloquent une situation qui s’enlisait tout en rejetant les fautes sur un pauvre bougre qui n’y comprend rien. La clé, cette petite clé doré que tous deux détiennent dans leurs bourses sert de laisser passer. Étrange, cette clé. Comment s’est-elle glissée dans leurs poches ? Quant au rôle de ce petit gouvernail... mystère.

Contrairement à Salios, l’activité de cette ville est trépidante. Des femmes et des hommes de toutes races s’agitent ne leur prêtant aucune attention. Il convient de rassembler ces esprits et de définir une stratégie. Pourquoi ne pas s’établir dans l’auberge du « marché » ? Cette modeste auberge paraît idoine. Un peu bruyante certes, mais idéale pour passer inaperçu. A la tombée de la nuit, deux personnes à l’allure furtive se dirigent vers un lieu que la plupart évite. Une enceinte délabrée, jadis infranchissable, cerne une large bâtisse rectangulaire à l’abandon. A quelques pas de cette bâtisse, une tour éventrée haute de plusieurs étages, tient lieu d’habitation à des hommes-lézards désœuvrés. Ces créatures pataugent dans une boue fangeuse jonchée de détritus et de blocs de pierre épars. Toi, suggère l’une des deux personnes en direction d’un des hommes-lézards, va prévenir tes maîtres que des visiteurs souhaitent les rencontrer.

Ils gravissent une volée de marches. Un homme à la face ronde et au teint lunaire les attend. Après une mise au point rapide mais nécessaire, Varak, s’ils ont bien compris son nom, accepte de les conduire à la maîtresse des lieux. L’intérieur de la bâtisse est à l’image de l’extérieur. Froid et humide. Ils discernent, peint sur des murs défraîchis, quand elles ne sont pas effacées par l’humidité, d’anciennes fresques, véritables odes à la nature. Le sol est noyé sous une épaisse couche boueuse. Aucune lumière n’égaie les lieux si ce n’est la pâle lanterne de leur guide. Enfin, la maîtresse des lieux daigne se montrer. De taille imposante, cette femme au physique peu attrayant et à la chevelure noire ébouriffée ne semble guère pressée de les recevoir. La nuit, des devoirs l’attendent et elle ne compte pas y déroger. Peu lui importe si l’un d’eux porte une épée du nom de Mosaûl. D’ailleurs, elle prétend ignorer qui elle est. Étonnant pour une adepte d’Ael. Les runes gravées tout le long de la lame devraient l’alerter. Las, il faudra revenir demain matin.
Le lendemain, leur hôtesse –Maïthérée– les accueille avec plus d’égards. Elle n’est pas seule. Elle converse avec une autre femme qui ne leur est pas inconnue. Des pupilles noires, aussi noires qu’un gouffre insondable, des sourcils longs effilés aux pointes blanches, un sourire carnassier, dévoilant de fines dents pointues… Maïale. Le cauchemar recommence. Visiblement, à moins qu’elle ne cache bien son jeu, elle ne se souvient plus d’eux. A moins que… bien sûr ils se nomment Shade et Djalesh. Ils se sont rencontrés à Salios. Elle les a conduit jusqu’au marais de Noln. Halte ! Ils souhaitent discuter sereinement avec leur hôtesse. Seuls. Ils la reconduisent amicalement mais fermement. Maïale n’insiste pas.

Avec l’aide de Varak, Maïthérée leur propose d’organiser une cérémonie rituelle en l’honneur d’Ael. Djalesh connaîtra enfin l’identité de son dieu. Cette question le taraude depuis les révélations du nécromancien de Salios. Si Nécrophoria n’existe pas, qui révère-t-il en définitive ? Ael, comme le prétend Maïthérée ? Comment et pourquoi a-t-il été abusé ?

Non, décidément, il ne comprend pas… Cette bâtisse appartenait jadis au clergé de Reizhom. A la mort de son grand prêtre, Maïthérée s’est portée acquéreuse. Elle n’a qu’une connaissance rudimentaire de la ville. Le strict nécessaire. S’ils cherchent quelqu’un pour les renseigner, alors sa partenaire qui loge ici les y aidera. Ils ne trouveront pas mieux. Quelqu’un de sûr, de bien renseigné et qui sait composer avec des êtres de toute nature. A supposer bien sûr d’agir la nuit. Elle leur jette un regard en biais plein d’ironie. C’est la première fois depuis leur rencontre qu’ils ont cru déceler une note d’humour chez cette femme peu engageante.

MF-Level 13-5, monoclassé