Effrayée par l’hostilité de l’endroit, Mashee préfère les quitter. Alors que Djalesh tente d’utiliser une faille de Feu, un être vêtu d’une longue toge noire munie d’un capuchon à larges rebords émerge du rideau chamarré de particules d’or et d’argent. Ils croient le reconnaître. Ne serait-ce pas ce personnage qu’ils avaient jadis combattu à l’« auberge rouge » lors de leur arrivée dans les Mondes faillés ? L’avenir proche devait confirmer leur impression. Shade et Ailhiance affrontent celui que l’on nomme l’Étranger tandis que Djalesh choisit la fuite. En guise de fuite, le malheureux a été transporté aux confins de la gangue, loin, très loin de la scène du combat, là où une auberge vogue éternellement, attrapant dans ses rets les âmes égarées.

S’ensuit une situation rocambolesque dont seul Djalesh a le secret. Il échappe tout d’abord à la vigilance de l’Étranger qui ne mit pas longtemps pour le rejoindre. Débarrassé de l’impudent, il dérive à l’abandon dans l’espace. Ailhiance s’enquiert télépathiquement de ses avancées. Ils auront rarement atteint un tel niveau d’impuissance. La rencontre fortuite avec un serpent ailé suivie d’un dragon de bronze le tire de ce mauvais pas. Djalesh endosse son costume de LG et parvient à amadouer ces créatures au cœur pur. Il est capable des pires bassesses pour sauver sa peau. Ces sauveurs le transportent sur Almagamo, à « Yllud, la belle ». Des tours étincelantes, des palais mirifiques, à croire que chaque habitant se dispute l’apanage de la beauté de la cité. Ces bienfaiteurs le conduisent au temple d’Ujane. Il œuvrera pour le bien le temps d’une année pour services rendus. Qui sait s’il ne découvrira pas sa voie ? Pendant ce temps, Shade et Ailhiance se morfondent. Djalesh s’enfuit le soir venu. Après un périple fastidieux d’une quinzaine de jours, Djalesh rejoint ces compagnons d’aventure.

Ils reprennent leur marche dans les marais et atteignent une large étendue brumeuse étrangement calme. Ils s’enfoncent dans cette langue épaisse de quelques mètres pour se retrouver survolant une ville dévastée ; sans doute s’agit-t-il de la « cité de Gax ». L’air corrosif a disparu. Des missiles tirés par de curieuses balistes articulées disposées le long des remparts les accueillent en signe de bienvenue. Ces remparts ceinturent une bâtisse construite d’un seul tenant sans fenêtres ni inscriptions visibles. Dans le prolongement de ce qui fut sans doute un temple dédié à une divinité inconnue, ils aperçoivent un vaste jardin rectangulaire à la beauté fanée. Le temple et son jardin sont implantés sur une île située à quelques encablures de la cité. Harcelés par les missiles, ils se posent en catastrophe parmi les décombres des maisons.

Si l’on en croit les vestiges des habitations, les artères joliment dessinées et les enceintes émoussées mais encore solides, Gax devait être une cité d’importance. Ils distinguent parmi les gravats de nombreux ossements vraisemblablement humains, morts il n’y a pas si longtemps. D’ailleurs, certains parmi eux sont bien conservés. Ces derniers se montrent rétifs lorsque Djalesh tentent de discuter avec eux au point de l’agresser physiquement. Ils semblent mues par une force qui dicte leurs actes. De toute évidence, cette force ne les apprécie pas.

Sortant d’une maison bien conservée, un garçonnet d’une dizaine d’années à la tête ronde et aux longs cheveux bouclés doré les interpelle. Que fait ce chérubin seul et sans défense dans cet environnement hostile ? Il s’appelle Misshor. Il vit seul ici parmi les crapauds qui l’ennuient. Ils ne sont pas intéressants. Du moins la plupart d’entre eux. Il y en a bien quelques-uns moins bêtes. Non, non, ils ne lui font aucun mal. Ils comprendront pourquoi un peu plus tard. Hormis Lady Gayad et Lord Stephen, il ne connaît personne avec qui s’amuser. Et encore, Lord Stephen n’a guère le sens de l’humour.

Quatre crapauds, dont l’un lourdement armé, font irruption à l’entrée de la demeure de Misshor. Ils les invectivent et exigent qu’ils les suivent jusqu’au temple. C’est d’une voix cassante et directe que Misshor s’écrie : « Non Mielo, ils sont à moi… ». Sans aucuns avertissements, ils se retrouvèrent dans un autre quartier de la ville. Une facétie du garçonnet, décidément autant surprenant que dangereux… Ils décident de s’entretenir plus sérieusement avec lui. Selon ses dires, et il est peu probable qu’il leur dissimule la vérité, il ne sait pas grand-chose. D’ailleurs cela ne l’intéresse pas. Il s’ennuie. Il a peut-être entendu Lady Gayad évoquer cette broche que quelqu’un lui aurait dérobée. Un coup de Nori ou de Naa’l, à n’en pas douter, lui avait-elle dit. Elle lui avait promis un beau cadeau s’il la retrouvait. Il n’y est pas parvenu. Il les localise parfois, mais ils bougent tout le temps. Ils vont dans le temple, dans la ville, dans les marais. Ils ne sont pas commodes. Nori est fou et Naa’l méfiant alors, comment faire ? Si vous avez une idée, il est prêt à la mettre en pratique. Quant à « l’esprit du Temple », il s’agirait d’une femme nommée « Naosjie », du moins c’est ce qu’il croit avoir entendu bien qu’il ne fasse pas vraiment attention à ce qui se passe là-bas. Et les crapauds n’ont de cesse de prononcer le nom « d’Ésané ». Ça l’énerve d’autant qu’ils prennent des attitudes bizarres quand ils en parlent. Il les a vus souvent habillés de vêtements étranges aux couleurs grotesques. Tout ça n’a pas d’importance. Il est trop petit pour comprendre et puis, ça maman lui a dit que c’était dangereux, alors il l’écoute. Bon, et maintenant, si on jouait ?

MF-Level 13/12-2