Une vie trépidante insoupçonnée règne dans la ville. Aux habituels crapauds, se joignent des êtres faits de chair et de boue, Misshor, sorte de démiurge de la cité et bien d’autres créatures en tout genre, de sorte qu’ils n’ont de cesse de déménager de maison en maison en quête de repos. Ils tentent d’utiliser leur petit compagnon comme source de renseignements. Sa mère n’est-elle pas la ville elle-même ? Une mère irascible qui s’emporte dangereusement à chaque question posée. Vaincus, ils délaissent cette veine exploratoire. Du ciel, une colonne de particules d’or et d’argent s’abat sur l’enfant impudent, le pulvérisant. Ils ont évité le pire et leur cicérone a disparu. Ils emploient alors une méthode d’investigation plus traditionnelle, qui à pieds, qui par la voie des airs. Qu’ils soient visibles ou non, les missiles tirés depuis la forteresse, aiguillonnés par une force qui n’entend pas se laisser déborder, les frappent sans relâche.

Éveil a aperçu ce fameux nain enveloppé de flammes avec lequel ils envisageaient pactiser. Il vaut mieux s’abstenir. Ce personnage appartient à la catégorie des êtres de la pire espèce. Un « prêtre de la folie ». Contrairement aux deux autres, celui-ci prêche la Loi. Faut-il s’en réjouir ? Après le « Fou » et « l’Etranger », « un azer ». Une convergence d’êtres du chaos et de la loi dans un espace aussi restreint, cela ne relève pas du hasard. Sans doute ces derniers ont-ils sentis le point chaud et s’agglutinent-ils en quête du nectar précieux. Et ce n’est pas la conjuration par Threkelé de deux failles, rien que ça –l’une d’air et l’une de feu-, qui est de nature à les rassurer.

Mis à part tourner indéfiniment en rond dans la ville, tels de vulgaire poisson rouge dans leur bocal, que peuvent-ils espérer d’autres ? Ils n’ont pas exploré la piste de lady Gayad, cette femme que Shade –s’il s’agit d’elle- aurait entrevue lors d’une insertion en compagnie de Bathsharaé. Ils font le guet. Ils se relaient. Ils évitent crapauds et consorts. Ils attendent l’arrivée hypothétique de la dite lady. En guise de lady, c’est un diable de haute taille brandissant un trident de feu qui fait son apparition. Qui est-il ? Lord Stephen, le mari de lady Gayad ? Ils le suivent et repèrent la maison dans laquelle il s’engouffre énergiquement. Une maison simple, sans attrait particulier mais, eu égard aux habitations avoisinantes, bien conservée. Dotée d’une porte, de volets en bon état, c’est pour le moins surprenant qu’ils ne l’aient pas remarquée auparavant. Le nouvel arrivant n’entend pas discuter avec eux. Il les éconduit vertement. En substance, il les renvoie vers sa femme. Quant à la maison, elle résiste à toutes leurs tentatives d’intrusion. C’est à croire que la magie de cette maison leur joue des tours, sinon comment expliquer autrement leurs égarements et les visions hallucinées de mind flayers, drows et autres créatures tout autant extraordinaires qu’improbables, qui s’introduisent dans une ruine pour ne jamais en ressortir ? Cela tient de la bizarrerie ou de la conspiration. Ailhiance, le seul qui n’a pas été affecté par le spectre de la folie collective, jubile. Une situation cocasse qu’il se fera un plaisir de narrer à qui voudra l’entendre. « Les princes démon en vadrouille ».

Lady Gayad arrive. Cette diablesse de grande taille n’a rien d’attirant. Pourtant, il y a quelque chose dans sa tenue, dans son port altier ou dans l’intensité de son regard qui retient l’attention. Elle tient un sceptre sombre biscornu coiffé d’une griffe agitée de convulsions, à moins que cela ne soit la griffe qui l’enserre de ses doigts difformes. Elle arbore fièrement un large torque de pierres grises, sans doute du jaspe, sur sa poitrine nue.

Ses yeux se sont arrêtés sur Shade. Elle semble la reconnaître. Puis, elle se tourne tour à tour vers Djalesh puis Ailhiance. Son visage se décolore. Elle semble frappée de stupeur. «Trois princes-démons, murmure t-elle troublée… après Élise et Azaline… que se passe t-il ici ?». Confuse, elle les invite à rentrer dans son humble demeure. Un intérieur simple mais non dénué de confort, une lumière tamisée par des rideaux sombres, il ne manquerait rien ici pour se détendre si ce n’est la chaleur suffocante qui les terrasse. Cette femme bien que parfois évasive et lointaine est prête à négocier avec eux bien que leur rang de Prince-démon constitue visiblement un frein. Il faudra du temps pour qu’elle s’habitue. C’est-à-dire qu’elle n’a pas le choix. Sa ville native de Gax a été emportée par un vortex de grande ampleur, dévastant la cité et écrasant la quasi-totalité de ses habitants. Elle et son mari, protégés par la magie de la maison, ont résisté au ravage du vortex. Il semble qu’une éternité s’écoula avant que la violence du vent ne décroisse. A leurs sorties, ils constatèrent l’étendue des dégâts. La ville n’était que ruine. Seules les forces conjuguées de Naosjie et de Nésaé avaient préservé le temple de la destruction. Ils avaient atterris dans un monde inconnu. Des crapauds métamorphosés en monstruosité par l’irruption de cette enclave de terre ont investi la ville. Ces créatures déviantes et insanes prêchent Nésaé. Elles convoient hommes et bêtes vers le temple pour s’abandonner aux pires dépravations, attitudes que ne renierait pas Nésaé.

Lady Gayad était une maîtresse alchimiste. Elle accepte de « travailler » avec eux. D’ailleurs, les Pentacles à sa connaissance disposaient tous de grands maîtres alchimistes. Évidemment, il faudra qu’elle dispose d’un laboratoire conséquent s’ils souhaitent qu’elle les aide. En retour, ils lui promettent de chercher le moyen de la ramener dans son ancien monde. Après tout, c’est ce qu’ils cherchent aussi. Il faudra aussi convaincre Lord Stephen, une tâche plus difficile qu’il n’y parait. Il escompte se rendre auprès de celui que vous nommez Xaarig, une divinité –une appellation qui la dépasse- similaire à Igarax sur son ancien monde. C’est pourquoi ils se sont rapprochés de ce drow, Baselin, dirigeant de la mine de Relfren. A ce propos, après un subterfuge qui l’amuse beaucoup, ce drow est devenu fou amoureux d’elle. C’est ainsi qu’il lui offrit la broche que vous recherchez que malheureusement Nori ou Naa’l lui ont dérobée. Enfin, elle escompte rendre visite aux « prêtresses du sens » qu’elle a aperçu dans les marais.

MF-Level 13/12-3