A la recherche d’un temps calme… Si Sahde commence à déceler des bancs de brume stables parmi la masse chaotique globale, comment se reposer quand ils sont régulièrement assaillis par des ombres vindicatives ? Épineuse question, d’autant que Djalesh sombre dans une quasi démence. Sahde s’emploie à le ranimer en le frictionnant vigoureusement car son corps se dilue lentement, abandonnant sa personnalité pour rejoindre toutes les voix qui l’appellent. Le pire est évité.

Ils reprennent le cours de leur chevauchée fantastique au sein de la forêt monotone. Pourtant, pour celui qui sait observer, ce monde végétal n’a rien d’ordinaire. Voyez la drow manipuler les ombres et façonner cet éphèbe au grand dam de Djalesh qui n’apprécie guère ce jeu puéril.

Une atmosphère électrique interrompt brutalement cet instant de bonheur. L’air se fendille, des zébrures scarifient le sol, les arbres se fendent, les ombres se cristallisent, crissent et se déchirent. D’une faille surgit quelque chose, plus noire que la nuit qui écrase par sa présence les alentours. Les entrailles soulevées par des forces contradictoires, Djalesh et Sahde fuient, fuient ce démon qui brandit dans ses mains, qui ont tout l’air d’immondes pédipalpes, deux épées aux dimensions monstrueuses.

Le danger évité, ils reprennent leur progression non sans jeter autour d’eux des regards chargés d’appréhension. Existe t-il dans ce royaume un endroit tranquille ?? Il faut croire que non car maintenant ceux sont deux loups blancs massifs aux pupilles sombres qui s’approchent d’eux sournoisement. Ces loups, à moins qu’ils ne soient des lions, humanoïdes ou autres, tant ces créatures peinent à conserver une forme définitive ont des comportements agressif et intelligent. Ils déploient des trésors d’ingéniosité et de malveillance pour les affronter et ils n’ont peur de rien. Ils manient les ombres avec aisance, fabriquent des armes selon leur bon vouloir, combattent avec acharnement. Que de forces déployées pour les repousser…

Enfin ! Sahde a découvert un chemin qu’elle prétend sûr. Ils le suivent avec espoir. Les arbres laissent place peu à peu à une plaine sans reliefs si ce n’est au loin un large tumulus perforé au sommet plat. Une cinquantaine de maisons dispersées s’étagent le long d’une rivière calme au reflet métallique. Trois chiens d’ombre trapus les escortent, aboyant et vociférant. S’ils escomptaient faire une entrée discrète, c’est raté. Pour autant, ces animaux ne sont pas menaçants. Notons que ceux sont les seules créatures qui ont réagi à leur arrivée. Car les villageois vaquent à leurs occupations sans leur prêter attention. Leur ego en prend un coup, mais pour une fois qu’on les laisse tranquille.

Alors Sahde et Djalesh déambulent et observent. Ils constatent non sans une certaine appréhension que les créatures loups qu’ils viennent d’affronter, les Anthos, constituent environ un tiers des habitants de ce village. Apparemment, les autres habitants les évitent aussi. Des hobbits d’ombres -des Holins– certains plus affables que d’autres, composent le second tiers. Enfin, des « humains » -les Shams– forment le dernier tiers. Une dizaine de chien -ou peut-être plus- circulent librement au sein de ce village qui se nomme Lokentrène bien que cela ne soit nulle part écrit. Que dire de ces cinq ou six « tour-arbre », toutes situées à la périphérie du village, formées par l’assemblage de deux êtres tenant de l’arbre ou du ropper collés dos à dos ? Les Anthos logent dans des sortes de tours à base carrée d’un étage. Il n’est pas rare de les voir s’affronter entre eux ou avec d’autres habitants sans qu’aucune milice ou police n’intervienne pour les séparer. Les Holins habitent dans ce que ne renieraient pas leurs congénères sur Almagamo. Rien n’indique que les Shams habitent ici.

La plupart des habitations sont relativement stables bien que cela ne les empêche pas d’onduler et de se déformer. Les maisons vides, c’est-à-dire celles non investies, sont soumises à des contraintes internes et externes intenses et penchent dangereusement. Rien n’interdit de se les approprier mais encore faudrait-il dompter les forces qui les travaillent sous peine d’être « avalé » par la maison. Un large pigeonnier circulaire sert d’agora. Les ombres discutent, écoutent l’ombrage Ombanel quand celui-ci daigne se déplacer ou simplement s’assoient et chavirent de plaisir sous la brise. A ce propos Ombanel habite ce large tumulus qu’ils avaient aperçus lors de leur arrivée à Lokentrène. Une mer de nuages cotonneux s’agrippent à la base de sa demeure tandis que son sommet culmine à une quarantaine de mètres de hauteur. Il y a bien une bâtisse, en apparence inhabitée, plus solide que les autres mais il s’agit de la prison.

Quoi d’autre encore ? Des Displacer beast galopent dans des enclos fermés. Les autochtones les utilisent comme montures. Les différents Ônes, ces glands aux vertus prodigieuses, sont entreposés dans des petites maisons aux toits jaune sable sans aucune surveillance apparente. Une large bâtisse rectangulaire fait office d’auberge. Sa surface augmente en fonction du nombre de pensionnaires. Une autre bâtisse aux dimensions respectables attire leur attention. Il s’agit du « dancing » du village. Cet espace s’avère indispensable pour les habitants du royaume afin qu’ils libèrent les tensions qui s’exercent sur leurs corps et qui risquent de les figer. Sahde s’y rend, danse, se défoule, discute avec Eligoey, une Holin, tandis que Djalesh, que tout le monde ignore ici, se morfond dans sa chambre qu’il a dû partager avec Sahde.

Il faudrait passer du temps pour comprendre dans le détail les mœurs des villageois. Il est peu probable que Djalesh partage cet avis. Leurs occupations principales se résument à la recherche des Ônes*, la danse, qui aurait des vertus libératoires et cathartiques, l’exploration du royaume lequel n’a de cesse de se modifier et la manipulation des ombres amorphes.

* Il existe 7 types d’Ônes, par importance croissante :

  1. Vert-gris => alimentation ;
  2. Bleu-noir => décoration  ;
  3. Blanc-gris => jeux ;
  4. Doré-gris => or ;
  5. Argent-noir => armes et armures ;
  6. Doré-argenté => Les « raies de lunes » ou « du soleil ». Ces joyaux précieux proviennent du Monde lié ;
  7. Rouge-noir-gris => unique, dit l’Onarië (il en existerait un second dissimulé sur Ombralie).

Ils retrouvent Éveil dans la forêt qui leur révèle des informations importantes. Ombanel était l’ancien symbiote de Naasûlth. Ses fidèles captent les âmes des prêtres.ses de Nâcre-de-Lune qui transitent entre Almagamo et Nysnmos. Ils les dérobent aux Asthénos, ces servants de Naasûlth qui convoient les morts. En tant qu’ancien symbiote du Maître-démon des morts, Ombanel est parfaitement au courant des chemins empruntés par les Asthénos. Celui-ci n’a rien à craindre de son ancien maître dans le royaume des ombres.

Ombanel asservirait les âmes capturées de ces prêtres.ses avec l’aide d’un complice, le nécromancien Agolzith. Ce nom ne leur est pas inconnu… Dans une de leurs précédentes incarnations, c ‘est avec lui qu’ils avaient négociés. Il semblerait que ce dernier se soit établit dans un des rares endroits nommés sur Ombralie : Dédalie, la « cité des morts ». Il n’en sait pas plus sur ce lieu ni sur ce nécromancien qui se moque de Naalsûth. Dans quelle optique Ombanel asservit-il ces âmes, Éveil ne le sait pas non plus.

Combattre frontalement Ombanel aujourd’hui ? N’y pensons pas. Il s’agit de l’ombrage. Sa puissance est considérable. Ce shadow dragon figure parmi les cinq symbiotes majeurs. Il y a Éveil, Ombanel et ? … Eveil n’en dira pas plus. Pour éliminer Ombanel, il faudrait trouver une personne puissante originaire du Royaume des ombres et non assujettie à l’ombrage. Il n’y a pas grand monde qui corresponde à cette description. Hormis Shade et Éveil… Une personne membre du Cercle des ombres peut-être…

Sahde interroge les voix supérieures du royaume des ombres.

Armanthe est prisonnière du démon Shannotsuul. Ce dernier aurait parasité l’esprit d’Akwest Babasak et se cache par delà son antre. Akwest Babasak, quel nom étrange… Il s’agit du ventre d’Ombralie, l’ombilic des ombres… une créature qui s’est muée en cavernes et qui se blottit dans les creux des ombres… des cavernes évanescentes très difficiles à localiser.

Reste à découvrir l’antre d’Akwest Babasak, trouver le second Onarïe, ou deviner les intentions d’Ombanel. Plusieurs options s’offrent à eux :

♦ Errer comme tous les êtres de ce royaume et tenter leur chance. Solution non envisageable ;

♦ Se rendre à Dédalie et rencontrer Algozith. Une solution non retenue. Ce nécromancien défie Naasûlth… il vaut peut-être mieux l’éviter pour l’instant ;

♦ Chercher la Conque migratoire qui s’est échouée non loin d’ici.

♦ Conque migratoire ? Pourquoi pas… Les voilà partis à la recherche de ce singulier mollusque tandis qu’Éveil marche en direction de Dédalie.

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