Tandis que Sahde et Dalamok, prétextant une découverte de leur royaume, convolent comme de joyeux tourtereaux, Djalesh, toujours en quête de reconnaissance, accroît sa puissance personnelle. Il est temps de partir à la conquête du « ventre du monde », cet organisme primordial connu sous le nom d’Akwest Babasak.
Voici ce que Dalamok en sait :
il serait né au cours de la formation d’Ombralie. Il est constitué d’ombres qui se sont durcies lors de l’assimilation par la gangue d’éléments résiduels isolés. Soumis à d’intenses contraintes, il a été tordu, retourné, écrasé puis compacté. Des boyaux se sont formés se frayant un chemin au travers de zones compactes. L’ensemble s’est stabilisé et a abouti à cette structure aujourd’hui proche d’un réseau de tunnels et de cavernes. Akwest Babasak dérive au grè des ombres, s’éclipsant pour réapparaître plus loin. Il est inféodé à Ombralie et quasi-immortel. Sa disparition signifierait la fin d’Ombralie et du monde des ombres. Il est possible de l’endormir en s’attaquant à sa source vitale qui se situe en son cœur. Il se nourrit de lambeaux de brume qu’il aspire et dont il tire la substance, c’est pourquoi les habitants d’Ombralie le redoutent. Il est doté d’une forme d’intelligence inintelligible pour un esprit humain mais qu’un élémentaire comprendrait peut-être. Dalamok croit que l’esprit d’Akwest Babasak a été parasité par Shannotsuul. Ce dernier s’est dissimulé par-delà ces cavernes dans un espace fantasmatique.
En route ! Ils se dirigent vers une partie reculée et inconnue d’Ombralie. Cela enchante Dalamok. Ils longent un cours d’eau languide au reflet métallique. Trois curieux radeaux crénelés tenant plus d’une carapace de tortue dérivent lentement. Perchés sur les parois d’un dyke, une dizaine de trolls d’ombre s’abattent sur eux tels une pluie de gros grêlons. D’autres ont atterris directement sur les radeaux soulevant une gerbe d’écume. Il s’ensuit un pugilat confus dont ils sortent aisément vainqueurs. Il est vrai que le renfort d’un dragon des profondeurs, ombrage de surcroît, se révèle efficace.
Ils continuent sur ce chemin qui s’abîme toujours plus profondément au sein de la forêt sombre. Il est heureux que leur ami les accompagne car ce chemin, qui se transforme en sente, ne cesse de se diviser. Sans lui, ils se seraient égarés. Dalamok s’est arrêté brutalement. Émergeant du rideau d’arbres, une femme humaine à la beauté fanée par les années s’approche de lui prudemment. Il la contemple l’air médusé, comme une personne apercevant un revenant. La scène semble se dérouler au ralenti. Ils s’avancent l’un vers l’autre inexorablement. Djalesh remarque un fil invisible provenant de l’un des arbres auquel la femme s’accroche fermement. Il devine d’autres fils similaires en travers du chemin. Une elfe drow, qu’il reconnaît immédiatement, surgit de l’autre côté du chemin. Cette elfe au regard perdu et à la démarche si caractéristique ne peut être que Xanaelle. Quelle est cette magie ? Djalesh a succombé au charme de l’elfe et il se dirige, l’air béat, vers sa dulcinée. Sahde l’a reconnu aussi. Elle se démène comme une diablesse (sic!) afin de rompre l’enchantement mortel. Seules de machiavéliques créatures sont capables d’ourdir de telles machinations infernales. Que de difficultés pour s’extirper de cette toile diabolique ! Derrière ces agréables figures, se cachent d’avides dryades du destin qui se repaissent de l’énergie de leurs victimes. Dalamok est admiratif par l’ingéniosité déployée par ces créatures pour les mystifier.
Ils n’en ont pas fini avec les curiosités de la région. Une large trouée baignée de vives couleurs défie le royaume d’ombres. Cet endroit irradie la bonté et fait injure à l’obscurité. Il faudra s’en occuper plus tard et ôter cette verrue qui défigure l’environnement. En passant ils découvrent un portail gardé par plusieurs Whôls qui conduit directement à Almagamo. Ah, voilà une information intéressante !
Ils sont arrivés ! Un monticule d’une trentaine de mètres de hauteur rompt la monotonie d’une plaine lugubre qui s’étire à l’infini. Des leucrottas et des cyclopes effectuent une danse dans un rythme endiablé. Emportés par leur allégresses, ils tournent, virevoltent et invitent les nouveaux arrivants à se joindre à eux. Sahde et Dalamok acceptent volontiers tandis que Djalesh préfère décliner l’invitation. Fidèle à lui-même, il emprunte sa propre voie. Dans un des replis du monticule, Djalesh devine une ouverture béante. Elle exhale une odeur fétide charriant on ne sait quels immondes remugles, fruits des entrailles du ventre du monde. Aux abords de l’entrée de la caverne, des crapauds géants barbotent dans une infâme bouillasse, aiguillonnés par les piques de plusieurs greenhags. Pourquoi affronter tout ce beau monde alors qu’ils disposent d’un téléport ? S’ensuit de cruels déchirements à faire couler une larme sur la joue balafrée de Djalesh car le moment de la séparation entre l’Ombrage et Sahde est venu. Qui sait quand ils se retrouveront à nouveau ?
Il fait chaud et humide ici. L’intérieur de la caverne se déploie en négatif. Il s’agit de rester vigilant car cette clarté aveugle et fausse l’appréciation des distances. Régulièrement, des frottements et des crissements, signes d’intenses tensions et contraintes, déchirent le silence pesant. Le tunnel, qui ne dépasse guère les deux mètres de haut, est perforé par de nombreuses anfractuosités et est entaillé par des lignes de failles. Des excroissances affleurent des parois çà et là telles des pustules. Des bancs de lichens dentelés décolorés s’accrochent le long des interstices. Des failles incohérentes balaient les cavernes… il paraît hasardeux de s’y engager de peur de s’y perdre.
Il faudra faire montre d’astuces et d’adresses pour franchir les différents écueils qui entravent leur progression ; un opercule en forme de diaphragme acéré, un gouffre insondable, des vortex capricieux. Un bruit sourd et régulier sourd d’une galerie proche. Serait-ce le cœur du ventre de la bête ?
MF-Level 15-16/1