Ces personnages sont décidément laids. Ils ressemblent à des golems. Leur peau en lambeau grise tavelée de rose et scarifiée est rafistolée de bric et de broc. Hormis quelques bafouillis inintelligibles, la conversation s’annonce limitée. Il s’agirait de golems intelligents alors ; une première.

Au sommet de la plage, une trentaine de bâtisses en pierre de facture grossière sont disposées en arc de cercle. Certaines d’entre elles sont édifiées d’un seul tenant d’environ six mètres sur six alors que d’autres, les plus grandes, sont formées en deux parties. Elles sont dotées d’une entrée sans porte en forme d’arche. Des cariatides à l’aspect sévère encadrent chaque ouverture. Des gravures à teneurs élémentaires égaient de massifs linteaux de couleur claire. De nombreux cristaux anguleux de grandes tailles sont enchâssés dans la roche. Des orifices parés de cristal rose translucide officient en tant que fenêtres.

Il n’y a ni femmes ni enfants ici. Ils pénètrent dans la plus grande bâtisse. Assis par terre, un être impressionnant les dévisage calmement. De haute taille -presque trois mètres de haut- ses yeux violets luminescents brillent dans la pénombre. Il est vêtu d’une cuirasse de métal rouge incandescente, à moins qu’elle ne soit sa peau elle-même. Il s’exprime avec lenteur dans un diatribe proche du daemon que Galathée comprend. Il les incite à participer à la recherche des galets multicolores près du rivage, en vue de dessiner les belles figures sacrées, dixit l’araignée, l’oiseau, le poisson, la salamandre et l’homme. Ils pourront ainsi, le soir venu, se joindre à la danse rituelle afin de faire renaître le dieu vivant.

Les voilà repartis aux abords de la plage. Que ce fut long ! Si, Galathée ne trouva jamais les fameuses pierres, Djalesh et Shade y parvinrent non sans difficultés ! A noter que l’un des hommes découvrit aux abords du rivage un médaillon qu’il montra l’air joyeux à l’ensemble de la communauté.

Le soir venu, les villageois se sont disposés en cercle autour d’une large dalle carrée située au centre du village. Ils y déposent les galets rassemblés sur la plage et utilisés pour élaborer les différents dessins. Les galets sont lentement absorbés par la dalle de pierre qui s’anime ! Elle pulse tel un cœur, émet un vrombissement sourd et éclaire de mille feux le cercle des adeptes du dieu vivant. Les golems entonnent des chants gutturaux et rocailleux disgracieux constitués de borborygmes inintelligibles. Ils gesticulent grotesquement et s’oublient. Shade et Galathée observent la scène de loin tandis que Djalesh s’immisce dans la danse. Ce dernier s’abandonne. Il rampe, il saute, il crie. Il entrevoit les vestiges d’une civilisation aujourd’hui éteinte qui maîtrisait les raies de lune et du soleil. Cette société fortement stratifiée et complexe révérait un être en forme de poisson-arbre qui avait la faculté de s’auto-régénérer, de prédire le temps ou encore de retirer tous les envoûtements. On l’a nommait « Asthené’couathezor ».

A l’aube, l’un des habitants du village -celui qui arborait fièrement le médaillon de saphir- c’est retiré du cercle, s’éloigne du village et rejoint un défilé. Shade le suit discrètement. Une volée de marches mène à trois entrées encastrées dans la paroi rocheuse. Shade repère les mêmes gravures au-dessus de chaque entrée. L’homme applique son médaillon contre la porte centrale, laquelle s’ouvre. Il s’engouffre à l’intérieur. La porte se referme sur lui.

Djalesh se remet de ses émotions mais se rétablit vite. Une partie des villageois a rejoint le rivage et recommence son manège de la veille tandis qu’un autre groupe s’enfonce à l’intérieur de l’île. Ils choisissent de suivre le second groupe. Cet univers est minéral. Ils n’ont aperçus jusqu’à présent aucune trace de végétation. Alors qu’ils avaient à peine entamé leur progression, une lueur éclatante suivie d’une succession de détonations déchire l’atmosphère. Ils aperçoivent dans le ciel un carrosse tiré par deux créatures massives mi-lion, mi-aigle. Deux chevaux ailés à la robe dorée virevoltent à leur côté. Une autre créature humanoïde en robe marron à tête de chacal plane nonchalamment aux alentours. Des gerbes d’éclairs giclent de l’attelage. Shade lance un clairvoyance afin de discerner la scène de plus près.

Une elfe grise d’une beauté éblouissante est assise sur un trône de pierre richement travaillé. Elle tient dans ses mains un javelot comme un sceptre duquel fuse la foudre. Serait-ce leur sœur Silune ? Le trône a été creusé dans un bloc rocheux blanc ayant l’allure d’un tronc d’arbre en pierre, les accoudoirs étant deux branches serties de rubis. Deux griffons majestueux remorquent le trône. Sa voix cristalline résonne et se propage loin dans le ciel. « Rentrez chez vous. Calfeutrez-vous. J’ai entrevu un orage magnétique d’une rare violence qui s’avance vers nous ». L’attelage s’éloigne vers le sud de l’île.

Aussitôt, les golems suivent ses conseils et retournent vers leur village. Nos amis les suivent. Où se protéger ? Ils passent non loin des trois entrées aperçues par Shade. Juste aux abords, ils remarquent sur le sol une mare de petite dimension rectangulaire délimitée par une margelle recouverte de runes élémentaires. Ils s’en approchent et lancent un galet dans l’eau sombre qui disparaît aussitôt. A l’aide de la boule de cristal, ils le retrouvent dans une mare identique qui se trouve au fond d’un corridor souterrain. Une cache idéale qui les protégera de la tempête.

Leurs pieds foulent la mare. Étrangement, l’eau ne les mouille pas. Les runes s’illuminent. Ils se téléportent dans le corridor.

MF-Level 16-16/6