Monologue venu dailleurs
Tu endors l'attention des protecteurs. Tu fais en sorte qu'ils se fourvoient encore un peu ; Tu entraves l'action des noyauteurs en les suppléant ; Tu empêches les bâtisseurs de modeler l'espace.
Tu endors l'attention des protecteurs. Tu fais en sorte qu'ils se fourvoient encore un peu ; Tu entraves l'action des noyauteurs en les suppléant ; Tu empêches les bâtisseurs de modeler l'espace.
C’est avec le cœur rempli d’émotion que je t’écris. Quand tu liras ce texte, je ne serai déjà plus là. Je n’osai t’expliquer... Tu étais convalescent, faible et vulnérable. Ta sécurité en dépendait. Je comprenais tes interrogations qui étaient légitimes mais je ne trouvai pas les mots. J’avais moi-même été sujette, certes différemment, à ce mal qui te frappe et qui frappe tes deux frères endormis. Mes mots se brisent sous l’assaut d’images que je ne contrôle pas. Des scènes jaillissent sous la forme de flashs, autant de morceaux d'un puzzle embourbés dans les marécages de mon esprit. Alors comment relater des faits et des événements qui aujourd’hui me dépassent. Je vais tenter de réunir ce que j’aie entrevu.
C'est par une journée radieuse que je m’éveillais. Les oiseaux pépiaient autour de moi. Je me sentais en harmonie avec ce lieu, une sorte de félicité surnaturelle m’arrachait hors de mon corps. J'étais adossé à un arbre, de fort belle taille ma foi. Sa ramure me laissait à peine deviner un ciel que je ne reconnaissais pas. Cet astre clair étincelant qui dardait ses rayons sur ma peau me réchauffait, pourtant je l'accueillais sans joie. C'est alors que je me rendis compte de ma condition. Je grelottais. Je ne sentais plus mes membres. Qui étais-je ? Où étais-je ? Pourquoi étais-je si cabossé ? Ces pensées me terrifièrent. Je divaguais. Je sombrais dans l'inconnu, un monde sans rêve. Qui saurait dire combien dura cette succession d'assoupissements et de réveils ? Quand je repris connaissance, j'y voyais plus clair. Je tentais de me redresser. C'était présumer de mes forces car je m'affalais tel un misérable. Je sentais profondément que celui que j'étais devenu ne correspondait pas, plus, à celui que je fus naguère... pourtant, rien ne transparaissait de mon ancien état. Le néant.
Le bras de rivière est drapé sous la brume phosphorescente des marais qui exhalent une forte odeur de remugle. Une embarcation en bois, frêle esquif sans relief ni ornement, déchire le silence de l'aube. A sa proue, un personnage enfonce en cadence une large pagaie dans les eaux saumâtres. Chaque nouveau coup martelé avec vigueur soulève une gerbe d'eau qui s'élève haut vers le ciel. Rien ne semble ni le perturber ni l'arrêter. Ses muscles puissants et son expression imperturbable défient quiconque de s'approcher. Les flots s'ouvrent devant lui, des vagues se forment à son passage, balayant les rives avec une force inaccoutumée. Il se fraie un passage au sein d'une nature jadis hostile qui se terre, effrayée par l'arrivée de cet objet incongru qui le heurte par sa violence.
Ne vous embourbez pas dans les marécages de votre mémoire sous peine d’y soulever les spectres de la folie. Que cherchez-vous ? Vos racines ? Elles sont ici. Qu’escomptez-vous y découvrir ? Il n’y a rien là-bas. Tout mène à une impasse. Vous n’y rencontrerez que de misérables humains gesticulants et aliénés. Regardez devant vous.