Récit de Laïxa – Trame générale

A – Naissance d’un monde
B Émergence des consciences
C Structuration et essaimage
D – Rébellion et accord
E Pas si simple
F Les trois questions:
 ◊ F1 La question de la résurgence des mondes
 ◊ F2 La question de l’essence du monde
 ◊ F3 La question de l’essence de l’être
G A propos des Pentacles et des Entités
H De l’inéluctabilité d’un processus
I Nouvel acte, phase 1
J Nouvel acte, phase 2

A – Naissance d’un monde
Au commencement, tout n’était qu’amas. Des roches baignaient dans une gangue sirupeuse. Un jour une brise se leva. La brise devint tempête. La gangue s’effilocha. Sous le coup des rafales, des rochers se détachèrent de la matrice qui les maintenait prisonnier. Laissés nus, ils s’embrasèrent. Sous les assauts du vent, d’autres portions de la gangue se liquéfièrent. Charriées par le vent, ces gouttelettes heurtèrent de plein fouet les rochers enflammés. Des déflagrations se produisirent, sous les regards impavides de la gangue et les amas rocheux restés fidèles. De circonstances fortuites, ces événements se multiplièrent perturbant l’agencement immuable originel. Des agrégats reliés entre eux par des filaments de longueurs variables baignaient dans un espace semi-liquide. Parfois, dans les parties du réseau les plus tenues, une masse rocheuse se débattait, les filaments s’affinaient et cédaient. Rendue libre, celle-ci flottait dans des eaux tumultueuses. Le vent se déchaînait. Transportée tel un fétu de paille, elle heurtait la plus proche de ses congénères. Malgré l’élément liquide, elles fusionnaient dans une explosion où le feu s’en donnait à cœur joie. Des brandons s’inséraient dans la structure, puis durcissaient. Un embryon de monde, quoique encore bancal, avait été conçu.

Cet embryon de monde grandit. Des îlots rocheux hétéroclites, certains posés sur les eaux, d’autres perchés dans les airs ou immergés sous les eaux, étaient reliés entre eux par des axes hybrides tortueux. L’ossature du monde prit forme. Un lacis de mycéliums spectraux, innombrables veinules insaisissables, se greffa à la jeune ossature. Ils s’accrochèrent aux axes et aux agrégats se propageant de proche en proche et contaminèrent l’espace. L’énergie des éléments transitait par ces mycéliums et alimentait de son précieux fluide vital les agrégats. Un réseau synaptique complexe, Dédale, se structura. La charpente de cet embryon de monde était édifiée. Diluée dans l’espace, la Gangue, cette pâte amorphe originelle, se mua en une substance éthérée protectrice. L’imbrication entre la Gangue et Dédale, malgré des assemblages invraisemblables, se renforça. Enfin, une architecture d’essence organique prit forme. L’embryon de monde avait éclos: on l’appela le Monde lié.

Une conscience diffuse naquit de cette organisation. Elle aspira à vivre et à s’étendre. Cela supposait maintenir coûte que coûte la stabilité de cet assemblage précaire. De la Gangue, s’éveillèrent cinq êtres. Protubérances du Monde lié, extensions physiques de sa conscience, ils ne répondaient qu’à l’influx qui les avait fécondés. C’est pourquoi on les surnomma les «Entités de la Gangue». Aux côtés de ces Entités, des structures que l’on désigna par « Démons des failles » se déployèrent. Difficile d’en dire plus. Étaient-ils intelligents? Pour quelles raisons intervenaient-ils?


B – Émergence des consciences
Ce système en apparence stable rencontra de fortes résistances internes. Certains éléments dudit système, -ces agglomérats, faits de roche, de gaz, de feu et portés par le vent- acquirent une vie propre. Ils oscillèrent. Ils tentèrent de se soustraire de la Gangue et de Dédale. Les Entités entrèrent en action. Elles frappèrent. Elles furent aidées par les Démons des failles. Ces démons s’abattirent sur chaque agglomérat récalcitrant, se propagèrent à travers les différents conduits -axes ou mycéliums-, les distordirent, les asphyxièrent. Ils déferlèrent par vague sans stratégie d’ensemble. De leurs côtés, les Entités œuvrèrent de concert. Si la plupart des agrégats furent anéantis, quelques-uns résistèrent.

Les quatre éléments -le feu, l’air, la terre et l’eau- qui avaient fusionné pour donner naissance au Monde lié se désolidarisèrent du conflit. Il refusèrent de prendre parti. Les agrégats se nourrissaient via les mycéliums et étaient contraints par la Gangue et Dédale. Ce n’était pas le cas des éléments qui prirent leur essor. Libres d’agir, ils choisirent de poursuivre l’alimentation du système global. Peu leur importait si des fragments quittaient Dédale. Parfois, les quatre éléments se rencontraient pour fusionner. De ce syncrétisme, un agencement étrange se dessina, dont le tout était supérieur à la somme des parties. Il s’agissait de leur réponse face à ce conflit, selon eux, stérile. A quelle fin cet agencement était-il destiné?

Parmi les agrégats qui avaient survécus, deux tendances émergèrent. La première préconisa l’union de ses membres contre la Gangue et Dédale. La seconde y fut opposée. Les désaccords s’accrurent. Il n’y aurait plus jamais de rapprochement entre ces deux tendances: on les connaît de nos jours sous les noms de Chaos et de Loi. Une opposition de style qui repose sur des philosophies antagoniques; le hasard contre la nécessité. Le Chaos prône le risque et l’imprévu. Il a pour étendard l’incertitude. Au contraire, la Loi croit en la prédestination et la finalité. Elle se définit comme la force du dessein. Une lutte sans merci s’engagea. D’autant qu’au sein des deux formations, des voix s’élevèrent contre ces orientations belliqueuses et empreintes de malignité. N’était-il pas possible de négocier ? Les deux mouvements implosèrent en une multitude de factions irréconciliables. La bataille fit rage.

Il n’était plus question d’agrégation hétérogène d’éléments bruts ou de conglomérats informes. Au fil du temps, ils avaient acquis une identité propre, chacun puisant dans son environnement proche. Ils s’aguerrirent. Les plus forts et conquérants étaient devenus des êtres singuliers, aux capacités immenses, à l’ego surdimensionné. Ils modelaient l’environnement à leur guise, combattaient les agents de la gangue et les Démons faillés, ferraillaient contre leurs semblables. Leur nombre se réduisit. Chacun maîtrisait des sphères d’influences distinctes. Ils apprirent à se connaître. Les Maîtres-démons étaient nés. Par extension, on appela démon tout être qui résonnait en sympathie avec le Monde lié et dont la nature ambivalente et complexe, révélait son attachement au réseau tentaculaire Dédale.


C – Structuration et essaimage
Conscients que la situation ne pouvait perdurer, ils se réunirent et cessèrent le combat. Du moins frontalement. Ils étaient trop occupés à préserver -et étendre- leurs domaines acquis de haute lutte, tout en se protégeant des Entités qui les combattaient tous pour s’épuiser dans une guerre fratricide. Ils façonnèrent alors des figures. Ils les nommèrent Princes-démons. Matérialisation de la projection mentale des Maîtres-démons, ces derniers combattraient pour eux. Le sort déciderait de leur vie ou de leur mort. Pour sceller cet accord, les Maîtres-démons s’organisèrent en Caste et fondèrent des demeures. Ces Castes étaient composées de quatre Maîtres-démons auxquels s’agrégeait un des quatre Éléments, quel qu’il soit, pour atteindre le nombre cinq. Alternativement, en l’absence d’un élément disponible, l’une d’entre elle sommeillait. Les Éléments devinrent, presque malgré eux, acteurs du conflit qui opposait les Maîtres-démons à la Gangue. On ne sait ce qu’ils obtinrent en contrepartie. Le nombre cinq représente l’équilibre dans le Monde lié, sa quintessence. Chaque organisme primordial du Monde lié s’accorde avec ce nombre. Les Maîtres-démons qui luttaient depuis leur naissance contre l’équilibre prôné par la Gangue n’échappaient pas à ce précepte. Les Castes ne dérogeraient pas à cette règle. On imagine la subtile alchimie qui préfigura à leur composition. Elles avaient pour noms: Proximité, Sérénité, Douleur, Tumulte et Trépas/Vitalité. De nature instable, Trépas/Vitalité s’ancrait dans la dualité.

La double formation de ces maisons et de leurs figures entraîna des conséquences inattendues pour les Maîtres-démons. Ils avaient puisés au plus profond d’eux-mêmes pour façonner les Princes-démons et ériger les Castes contre les Entités. L’usage de cette puissance les avaient consumés. Leur matérialité s’effaça pour se dissiper dans les mondes. Leurs progénitures œuvreraient pour eux. Du moins l’espéraient-ils.


D – Rébellion et accord
A l’image de leurs géniteurs, les Princes-démons s’affrontèrent. Ils avaient été conçu pour cela. Ils étaient prêts à en découdre. Ils s’entre-déchirèrent. Avec hargne. Sans relâche. Peu importait le terrain de leur combat. Si nécessaire, ils le déplaçaient. Ils considéraient les autres créatures comme quantités négligeables. En tant que filles et fils des Maîtres-démons, ils se croyaient omnipotents. Et ils l’étaient. Presque. Les Maîtres-démons avaient jadis craint les Entités et les Démons faillés. Leurs enfants tremblèrent devant eux. Ils apprirent à les éviter, à les fuir ou à les détourner.

Les Princes-démons jouissent aujourd’hui d’une grande liberté d’action. Une liberté gagnée dans le feu et le sang. A l’origine, cela n’allait pas de soi. Leurs pères, les Maîtres-démons, les avaient créé pour qu’ils combattent à leur place et exécutent leur moindre désir. Las d’être utilisés comme de simples marionnettes, les Princes-démons se rebellèrent. Ils se liguèrent contre leurs maîtres. La plupart furent détruits ou réduits à l’impuissance. Les survivants fondèrent cinq fratries –toujours ce fameux nombre d’or- composées chacune de cinq Princes-démons. On les appelle «Pentacle». On prétend que les rapports entre les membres des pentacles sont infrangibles. Ces membres, solitaires et puissants, qui ne font confiance à personne, qui ne dépendent de personne, trouvent leur salut dans cette union. Entre eux, ils s’appellent «frères» ou «sœurs». Ces alliances improbables ont tenues les Maîtres-démons en respect.

Après de nombreuses altercations, les deux-parties parvinrent à un accord. Le contenu de cet accord fut consigné dans «l’Édit des genres». Cet Édit énonce les règles de fonctionnement régissant les Pentacles et les Castes. Les Princes-démons respecteraient leurs «pères» et s’efforceraient de les soustraire de la voracité des Entités. Là s’arrêteraient leur sujétion et leur devoir. Les Maîtres-démons n’interféreraient plus dans les affaires des Princes-démons rattachés à un Pentacle. Quant aux autres, ils demeureraient sous la férule des Maîtres-démons. L’Édit stipule les conditions de formation d’un nouveau Pentacle s’il advenait que l’un des cinq Pentacles soit brisé, ainsi que les conditions de remplacement d’un des membres d’un Pentacle. La contrepartie fut rude. Les Maîtres-démons les contraignirent à s’affronter éternellement. A moins d’abroger l’Édit des genres, les Princes-démons ne trouveraient jamais le repos. Certes, ils s’émanciperaient de leurs anciens maîtres, mais à quel prix! Ils seraient doublement menacés. Par les autres Pentacles. Par les Princes-démons non membres d’un Pentacle. Asservis, rongés par la jalousie, poussés par les Maîtres-démons, ces derniers tenteraient de briguer leur place. Ce faisant, les Maîtres-démons occupaient leurs figures tout en poursuivant leur lutte à distance.


E – Pas si simple
On a cru longtemps le combat limité à la gangue et aux Maîtres-démons. Un combat qui a pour cadres Dédale, les mondes et les mycéliums. Chaque partie dispose de ses atouts; des atouts aux penchants capricieux et fantasques; d’un côté les Entités et les démons faillés, de l’autre les Princes-démons. Il faut se rendre à l’évidence. D’autres belligérants se mêlent à la lutte. Le conflit les avait façonnés. Il s’agit des êtres du chaos et de la loi. Bien que de philosophie opposée, ces êtres incontrôlables, rongés par la haine, frappent sans discernement les acteurs des deux parties. Ils surgissent au cœur des combats, là où s’agrègent les Pentacles, les démons faillés, les Entités ou les Maîtres-démons. Ils se nourrissent de la concrétion des mycéliums et de la complexité de Dédale. Tous les démons supérieurs redoutent ces êtres intrépides, imprévisibles et immoraux. On prétend qu’ils interviennent quand quatre démons supérieurs d’une même catégorie se rassemblent.

D’autres créatures apparurent, modelées par des phénomènes d’ordres physiques et/ou magiques. Elles investirent le Monde lié. Contrairement aux démons, ces créatures nouvelles -qui incluent l’ensemble des humanoïdes connus aujourd’hui- ne résultent pas du Monde lié originel. Leur compréhension du monde est superficielle et leur rapport distant. Ce qui explique leur incapacité à déceler les mycéliums et la Gangue. Seuls les Démons majeurs ont le potentiel pour les appréhender.

Les Maîtres-démons sont considérés à tort comme des dieux. Ils sont certes supérieurs à ces jeunes créatures. Ils se meuvent à travers la télépathie onirique. Retirés, détachés des contingences matérielles, ces êtres n’existent désormais qu’à travers la représentation que ces créatures se font d’eux. Leur influence diminue quand ils disparaissent de la conscience des mortels. L’idée de culte résulta de cette nécessité. Ce fut une des stratégies adoptées par les Maîtres-démons pour ne pas sombrer dans l’oubli. Les cultes se répandirent dans le Monde lié.

On pensait les Éléments neutres. Ils l’étaient à l’origine. Peu à peu ils s’impliquèrent contraints et forcés. Ils participèrent à la fondation des demeures des Maîtres-démons. Ils permirent aux créatures mineures d’utiliser leurs propres chaires. Désormais, toutes les créatures se saisissent de l’essence des Éléments selon leur puissance et leur connaissance. Elles travaillent les métaux et les minerais, maîtrisent le feu, domptent les fluides, se déplacent,… On dit qu’ils transmirent leurs savoirs oralement à quelques-unes d’entre elles. Les druides, les élémentalistes, les cartographes et les alchimistes, furent de celles-là. Les grands maîtres cartographes défient l’impossible. Sous les yeux médusés des observateurs, armés de leurs plumes et pinceaux, ils figent les terrains en mouvement et imposent par leur seule volonté au sol de se poser. Ils dessinent les Mycéliums, Dédale et la gangue. De même, les alchimistes puissants concoctent des breuvages aux propriétés fabuleuses dont les démons supérieurs se délectent. Ces breuvages si importants pour les Princes-démons. La combinaison d’un laboratoire bien fourni, d’un alchimiste puissant et d’un maître cartographe constitue l’armature indispensable pour un Pentacle…

F – Les trois questions:
Trois questions intrinsèquement liées préoccupent les diverses parties qui s’affrontent. De leurs résolutions dépendra l’issue de la lutte.

◊ F1 – La question de la résurgence des mondes
Lors de la naissance du Monde lié, cinq fatras d’énergie constitués de matériaux et de pensées se sont amalgamés en portions d’espace. On les désigne par les noyaux. Ces noyaux concentrent dans un espace réduit une puissance inégalée. Ils contiennent la sève des éléments, mariés aux résidus de gangue, de mycéliums et de Dédale. Ces alliages précieux dérivent dans les limbes du temps et de l’espace, naufragés d’un monde originel. Ces cinq enclaves n’ont jamais été observées ensembles. On pense que leur collision engendrerait une violente déflagration. Des gardiens voguent à leurs côtés. Nés avec eux, de nature identique à leur réceptacle-habitacle, ils les défendent de toute intrusion. Les Entités veillent. Non pas qu’elles les protègent, elles s’en désintéressent. Elles surveillent ceux et celles qui s’assemblent vers ces sources d’énergies. Les Maîtres-démons évitent de s’en emparer de peur d’attirer l’attention des Entités. Les éléments les tournent et retournent, les manipulent, malaxent ces graines de l’espace. Ils jouent, chacun tentant à tour de rôle d’apposer son empreinte. Les créatures ordinaires, effrayées par l’éclat et la pureté de cette source d’énergie, n’osent s’en approcher. Les démons supérieurs, à condition de vaincre les gardiens, auraient les capacités de les conquérir, s’ils tentaient de nouer des alliances entre eux. Pour des raisons évidentes cela ne se produit jamais. Dans la pratique, seuls les Princes-démons membres d’un pentacle tentent de les dominer. Une nouvelle raison de se défier. La tâche s’avère ardue car, outre la dangerosité des gardiens, les noyaux adoptent des formes insolites, allant du simple objet trivial aux édifices extraordinaires. On prétend aussi qu’ils se matérialisent dans des êtres vivants. La rançon du succès est à la hauteur des efforts consentis.

◊ F2 – La question de l’essence du monde
Des phénomènes complexes et déroutant –on songe à des anomalies, ou des convulsions- se manifestent régulièrement en différentes régions des mondes. Selon le contexte, on parle de points chauds, de nœuds ou d’isolats. Ils jaillissent là où on ne les attend pas -ce n’est pas tout à fait exact car ils se logent là où les mycéliums se croisent- puis disparaissent si personne ne les soumet. Seuls les démons supérieurs ont les aptitudes pour les maîtriser. Le commun des mortels perçoit les modifications de l’environnement engendrées à leur arrivée, mais s’avère impuissant à les comprendre et à les contrôler. De superficies variables, les points chauds ont emmagasiné une grande quantité d’énergie que les démons avertis n’hésitent pas à exploiter. Ces espaces sont hors de portée des Entités et de leurs alliés. D’où l’intérêt pour les démons de les assujettir. Les maîtres-démons et leurs enfants sillonnent les mondes pour les découvrir. On ne croit pas que les êtres du chaos et de la loi puissent s’introduire dans un isolat maîtrisé par des démons supérieurs, du moins par des Princes-démons membres d’un Pentacle ou des Maîtres-démons. Ces espaces englobent trois dimensions conceptuelles capitales pour comprendre les mondes. Le point chaud suggère la puissance du fait de l’énergie accumulée dans un lieu donné. Le nœud exprime la coopération à travers la rencontre des mycéliums. Enfin, l’isolat signifie le repli sur soi, la maison, la protection et la neutralité.

◊ F3 – La question de l’essence de l’être
Il existe et a toujours existé soixante-douze atavofigures dans un monde. On ignore pourquoi ce chiffre exact. Les atavofigures correspondent à des sceaux de pouvoirs élaborés après la genèse du Monde lié. Les atavofigures rassemblent dans un même concept les signifiants et signifiés de soixante-douze êtres. Les atavofigures décrivent la nature, la personnalité et l’héritage de chacun de ces êtres. Chaque atavofigure est unique. Les atavofigures sont représentées sous la forme d’un pentagramme. Les démons supérieurs reconnaissent les atavofigures mais ils les ont oubliés. Les grands démiurges explorent les rouages régissant les atavofigures. Quelques-uns d’entre eux se sont spécialisés dans des atavofigures spécifiques, espérant ainsi utiliser ces sceaux de pouvoirs à leur propre usage. Ces démarches déplaisent souvent aux êtres en question. Chaque atavofigure est matérialisée sous la forme d’un objet cœur que l’on appelle «cœur de démon». L’aspect de chaque cœur se confond avec son atavofigure correspondante. On ne croit pas que des êtres autres que les soixante-douze puissent contrôler un cœur de démon. Rien n’empêche d’imaginer que l’un de ces soixante-douze ait le pouvoir d’utiliser un cœur qui ne lui corresponde pas. A n’en pas douter, cela constituerait une arme redoutable. Ces cœurs n’ont de cesse de fuir les êtres qu’ils incarnent. La recherche des cœurs fait office de quête du Graal pour les soixante-douze. L’étude des atavofigures faciliterait la découverte des cœurs. Cette étude nécessite de réunir au moins un laboratoire, un alchimiste et un cartographe.

Les soixante-douze atavofigures:

♦ Les Maîtres-démons (Md): 16 (Md) + 4 (Md) doubles, soit 24;
♦ Les Demeures (De) des (Md): 4 (De) + 1 (De) double, soit 6;
♦ Les Entités (En) et son Pentacle: 5 (En) + 1 (En), soit 6;
♦ Les Éléments (El) et son état fusionnel: 4 (El) + 1 (El), soit 5;
♦ Les Princes-démons (Pd) membres d’un pentacle et leurs pentacles (Pe): 20 (Pd) + 5 (Pe), soit 25;
♦ 6 Princes-démons déchus devenus âmes: 6 (Am), soit 6.


G – A propos des Pentacles et des Entités
On dénombre cinq Pentacles originels. Ils ont pour noms: L’Indocile, La Déchirée, L’Affliction, L’Infrangible et la Légère. Chaque Pentacle est arrimé à l’une des demeures des Maîtres-démons. Car rien n’est simple dans ce monde, en dépit de l’antagonisme atavique existant entre Pentacles et Entités, chaque Pentacle est affilié à l’une des Entités. On parle de dominance. Ces arrimages/ancrages et dominance/patronage entraînent de subtiles et complexes relations d’interdépendances entre Maîtres-démons, Princes-démons et Entités souvent incompréhensibles pour un profane. Il n’est pas rare que les participants s’y perdent aussi. Cette partie à trois se reproduit avec d’infinies variations au sein des différents triptyques. Ces triptyques n’ont de cesse d’interagir entre eux. Selon les circonstances, ces interactions engendrent des hybridations, des heurts ou des rejets.

Composition des Pentacles originels:

◊ L’Indocile, ancrage Trépas, dominance «Le Maître des ombres»,
◊ La Déchirée, ancrage Tumulte, dominance « La Brute »,
◊ L’Affliction, ancrage Douleur, dominance «Le Dirigeant»,
◊ L’Infrangible, ancrage Vitalité, dominance «La veuve noire»,
◊ La Légère, ancrage Sérénité, dominance «La Polymorphe».

L’hégémonie d’un Pentacle dans un monde modifie la structure de ce monde. On suppose que cette caractéristique découle des trois grandes questions. Dans un monde dominé par la Loi, les forces de Némésis et leurs triades se montrent. Elles ont pour racine Timothée (MF) ou Tiomèthe (ML) et pour arme Ela (MF) ou Eal (ML). Au contraire, dans un monde dominé par le Chaos, les forces de Niatorou prennent le dessus. Elles ont pour racine Fielle (MF & ML) et pour arme Ael (MF) ou Léa (ML). Si les Pentacles se neutralisent, aucune force n’émerge… la demeure Proximité prend le relais et les Entités se taisent. Une accalmie pour les créatures ordinaires enfin libérées de la tyrannie des Princes-démons et de leurs tutelles. Il en va de l’intérêt des créatures ordinaires d’élucider ces questions, car alors elles s’affranchiront des Princes-démons et de leurs maîtres.


H – De l’inéluctabilité d’un processus
Les Entités de la Gangue sont les seules divinités connues; des divinités aux desseins nébuleux. Les Princes-démons qui les côtoient pour leur malheur les qualifient d’aberrations. Ils n’hésitent pas à s’allier ponctuellement avec elles pour éliminer ou affaiblir leurs concurrents; un jeu risqué et dangereux. Le plus souvent, les Entités parasitent les Princes-démons pour atteindre les Maîtres-démons, leurs véritables cibles. Il arrive que ce parasitisme se transforme en commensalisme. Les Entités sont organisées dans un Pentacle que les Maîtres-démons désignent par «La main», la main de la Gangue. L’unique Pentacle de la Gangue. Nées lors de la genèse du Monde lié, on ne leur connaît pas de rival pour emprunter les mycéliums, les failles ou toute autre connexion au sein des mondes. En dormance, rarement lucides, insouciantes, imprévisibles, elles s’éveillent quand les Maîtres-démons utilisent la matérialisation onirique pour déstabiliser la Gangue et s’en libérer. Les Entités ne sont pas dupes. Elles savent reconnaître la perfidie des Maîtres-démons. Dès lors, elles se mettent en chasse. Voilà quel est leur dessein. Chasser.

Les Maîtres-démons ont conscience de cette menace. Ils essaient de les atteindre pour se libérer de leurs étaux. Au faîte de leur puissance, enivrés, ils abaissent leurs gardes. «La main» se saisit d’eux, les jette à terre pour les broyer. En réaction, ils tissent des univers virtuels, ils dressent des barricades psychiques oniriques pour les dérouter. Ils envoient leurs figures les égarer. Parfois, leurs entreprises réussissent. Ils profitent de ces instants d’indépendances pour asseoir leur victoire et bâtir des royaumes dégagés de l’autorité de la Gangue et du carcan de Dédale. Les Entités n’ont jamais été bluffées longtemps. A leurs retours, ivres de colère, elles s’acharnent sur tous ceux qui les ont leurrées. Elles renversent ces royaumes qui ont osé les défier. Les démons succombent à l’hystérie collective, chacun chassant et pourchassant ses semblables. Le Monde lié devient alors un immense terrain de chasse. Même ceux qui se croyaient pacifiques ou raisonnables sont emportés par le vent de folie qui sévit dans le monde. C’est «la grande débandade». Les immortels abandonnent leur monde pour se réfugier dans des univers périphériques; bannis, transformés, rudoyés, ils ont subi de graves dommages. Ceux qui ont été défaits se reconstruisent lentement. Parmi les occis, certains se transmuent en objet-âme et partagent leur existence avec des Princes-démons. Puis, un nouveau cycle recommence. La dernière ère du Mondé Lié -connue sous le nom de «la Désinvolture»- fut dominée par le Pentacle «La légère» (CG). Une ère de liberté pétrie de bonnes intentions.

Chaque franchissement de monde entraîne une amnésie totale ou partielle. La mémoire s’efface devant les assauts du temps. Le corps subi des altérations substantielles. Des changements de sexe ou de race ont été observés. Les Princes-démons et les Maîtres-démons n’échappent pas à la règle. Les Entités se jouent du temps. Elles en usent et abusent. Elles s’aguerrissent. Ce jeu contribue à leur éducation. Elles n’hésitent pas à faire renaître via un prisme déformé et sur un laps de temps court des lambeaux de vie de celles et ceux qu’elles visitent. Ces réminiscences confuses et sibyllines des temps anciens se télescopent avec les temps présent ou à venir. Il s’agit d’un des avantages de les côtoyer bien que l’exercice ne soit pas maîtrisé. A un niveau moindre et selon des modalités spécifiques, les servants de Laïxa et de Nacre-de-Lune ont aussi ces capacités.


I – Nouvel acte, phase 1
L’esprit des Maîtres-démons vogua dans l’espace et le temps. Afin d’éviter que les Entités ne les rattrape, ils se sont projetés dans les Mondes faillés et se sont déguisés. Ils se revigorent lentement. Certains contrôlent des mondes mineurs, d’autres se partagent des portions de monde. Adulés, quelques-uns ont acquis le statut de divinité. Une simple stratégie car ils savent qu’il n’ont rien de divins. Enfin, d’autres ont choisi de se cacher et de laisser la place à des puissances locales qui se croient omnipotentes.

Les Mondes faillés constituent un des mondes périphériques du Monde lié. Les axes -ces conduits solides qui formaient l’ossature du Monde lié- ont disparus. Une zone spectrale, invisible aux regards, immerge les Mondes faillés. Les failles ont remplacé les mycéliums. Elles remplissent la même fonction que ces derniers à ceci près qu’elles opèrent différemment. Elles désunissent, morcellent, éloignent. L’énergie vitale des éléments est véhiculée par les failles. Si la largeur des failles progresse, l’énergie apportée se dilue. Chaque territoire se replie sur lui-même, se stabilise et se singularise. Les Mondes faillés se cristallisent dans un écrin doré trompeur. Des factions de la Loi manigancent. Elles profitent des faiblesses des failles pour accroître l’isolement des territoires. Elles se sont attaquées à Almagamo puis à Enoos. En tentant d’uniformiser la population d’Enoos, elles espèrent bâtir un espace dont le chaos serait banni. Elles rejettent les personnes ne répondant pas à leurs critères hors de la ville ou les enferment dans les quartiers de seconde zone.

La situation des Mondes faillés ne plaît pas à la Gangue. Stabilité, certes, mais une stabilité en mouvement, réactive, qui évolue et s’adapte continûment. Rien de tel ici. L’évolution proposée tend vers un état qui se fige dans lequel les failles n’interviennent plus. Le réseau Dédale se verrai rejeté à l’extérieur. La Gangue a rappelé ses sujets. Les Entités s’éveillent. Elles sortent de leur torpeur et découvrent leur nouvel environnement. Faibles et naïves, elles doivent être éduquées. Elles cherchent des instructeurs compétents et capables non suspects de connivence avec le mal qui ronge les Mondes faillés. Des instructeurs qu’elles connaissent de longue date. Comment s’y retrouver dans l’enchevêtrement de ces temps qui rend chaque scène floue et confuse? «Le dirigeant» est resté lucide. Il guide ses compagnes et leur montre la voie. Et qu’importe si elles tâtonnent ou si elles s’égarent en route. Cela contribue à leur éducation. Les capacités extraordinaires de «la polymorphe» leurs permettent d’approcher toute personne de leur choix et de s’insérer dans n’importe quelle structure. Puis les autres arrivent, une à une. Elles prennent corps avec elle, à ses côtés, décalées ou en son sein. Elles vibrent dans et avec elle. Elles entrent dans la danse. La fièvre commence.


J – Nouvel acte, phase 2
Les Princes-démons emboîtèrent le pas de leurs géniteurs. Ils s’engouffrèrent dans les fosses abyssales. Beaucoup furent détruits ou enchaînés. Des Princes-démons membres d’un Pentacle furent occis. Petit à petit, ils sont remplacés. Ceux qui furent défaits se régénèrent lentement. Les Pentacles se reconstruisent. Le processus est long et semé d’embûches. Ils reprennent progressivement leurs activités. Ils découvrent les objets-âme.

Des créatures issues des Mondes faillées ont profité de la place béante qui s’offrait à elles pour édifier des pentacles locaux. Elles ont bénéficié de la complicité des Maîtres-démons qui se réjouissent à l’idée des conflits à venir entre anciens et nouveaux Pentacles. Car la nature des Princes-démons dicte leurs actes. Des Princes-démons affaiblis issus d’un ancien monde contre des créatures en pleine possession de leurs moyens natives des Mondes faillés. Le combat ne manquera pas d’intérêt. Ces nouveaux Pentacles n’ont pas la puissance de leurs prédécesseurs mais ils maîtrisent les rouages des Mondes faillés. Ils endossent le rôle que les Maîtres-démons leur ont perfidement suggérés. Les Maîtres-démons ne s’impliqueront pas dans le conflit entre anciens et nouveaux Pentacles. L’Édit des genres le leur interdit. Par petite touche, peut-être… Débarrassés de leurs progénitures trop occupées à s’autodétruire, les Maîtres-démons s’adonnent à leurs occupations favorites. Exploiter la moindre ouverture pour affaiblir leurs semblables et flouer les Entités.

Les Mondes faillés sont placés sous le joug de la Loi. Un Pentacle local dirige la ville d’Enoos. Les gentes de Némésis imposent leur ordre. Des membres de l’Organisation A’nEntropia se sont glissés à des postes clés de la cité. Empêtré dans des guerres larvées, le chaos n’a pas su –ou pu- réagir à temps. Rien n’est perdu. Le faisceau central des failles transite par les labyrinthes souterrains d’Enoos avant d’irriguer les Mondes faillés. Ces labyrinthes tentaculaires se perdent dans les profondeurs de la ville. On les croit vivant. On prétend qu’une âme rebelle et indomptable les habite. Celui qui dessine et soumet les labyrinthes, gouverne les Mondes faillés. Il faut en dresser les plans et en tirer la substance. Seuls un grand maître cartographe et un grand maître alchimiste en auraient les capacités. Ils se font rares. Avant d’en esquisser les plans, il s’agira d’en découvrir l’entrée. Puis de vaincre son gardien. Et enfin de découvrir la clé, l’unique clé, des labyrinthes.

Qui gouverne les Mondes faillés, s’ouvre la voie vers le Monde lié. Cela n’échappe pas aux Maîtres-démons. Ils restent attentifs à l’évolution de la situation à Enoos. Malheureusement pour eux, leur immatérialité les cantonne à un rôle d’observateurs. Ils maugréent, ils gémissent, ils ourdissent, mais ils n’en demeurent pas moins dépendants des Princes-démons pour regagner le Monde lié. Les Maîtres-démons espèrent se requinquer pour recouvrer leur matérialité. Un processus qui nécessite une lente maturation et le retour au monde qui les a enfantés. Un nouveau départ pour combattre d’égal à égal les Entités et leurs alliés. Avec un peu d’habileté et de chance ils auront l’opportunité d’éliminer les Princes-démons membres d’un Pentacle. Dés lors, ils ne resteraient que des Princes-démons esseulés et asservis. Ils ne renouvelleront pas l’erreur qui engendra l’alliance entre Princes-démons et la formation des Pentacles.

Les Princes-démons membres d’un Pentacle aspirent à retrouver leur puissance d’antan. Ce qui nécessite le retour au Monde lié. Ils ne peuvent s’allier avec d’autres Pentacles car «l’Édit des genres» les en empêche. Ils n’ont aucune raison ni l’envie d’aider les Maîtres-démons à recouvrer leurs corps. Ils mesurent les dangers que ces derniers représenteraient pour eux. Coincés entre des Pentacles locaux naissants qui ambitionnent de remplacer les anciens Pentacles, la guerre éternelle qu’ils se livrent entre eux, des Maîtres-démons revanchards et des Entités imprévisibles, leur position paraît inconfortable.

Pourtant, ce pour quoi ils s’étaient battus jadis perdure aujourd’hui. Ils sont libres d’agir. Cette liberté naguère gagnée dans le feu et le sang n’a pas de prix. Chaque Pentacle trace sa route. De leurs décisions et actions dépendent le devenir des autres belligérants.