Présentation d’un royaume singulier
Le Royaume des ombres serait gouverné par le Maître des ombres bien que l’on ignore son lieu de résidence et que son mode de gouvernance soit lâche sinon laxiste. S’en occupe t-il vraiment ? Tout le monde redoute ce dangereux personnage et nul n’aspire à le rencontrer… Croiser sa route signifie souvent sa fin imminente.
Le Royaume des ombres n’est pas un monde. On estime que cet espace s’apparenterait à un faubourg d’un monde immatériel bien plus vaste, connu sous le nom de la Gangue. Un royaume à la frange donc, un liseré inégal qui de sa langue effilochée recouvrirait le monde originel de la Gangue duquel tout commença. C’est pourquoi ce royaume invisible des habitants des mondes faillés et semi-matériel enrobe, à l’instar de sa génitrice, l’ensemble des autres mondes. C’est pourquoi aussi on le trouve partout ou presque. Il se retire telle la marée quand des régions placées sous les sceaux des éléments puissants ou de forces hostiles nuisent à son existence.
Ce royaume aux couleurs affadies et sans reliefs est connu sous le nom de ClérObskûr. Il est vrai que ni soleil ni lune ne viennent illuminer de leurs rayons ce sol pauvre, marqué par la grisaille, où des lambeaux de draps brumeux s’étirent et se déchirent sur les obstacles qu’ils visitent. Les concepts de jours et de nuits sont caduques ici. Le royaume s’étiole, aspiré par la réalité des mondes tangibles qu’il côtoie pour se fondre et se résorber jusqu’à réapparaître un peu plus loin. En équilibre instable, il menace à tout instant de se dissiper sous les assauts répétés des forces de la vie et de la mort qui œuvrent à ses lisières.
A quoi bon évoquer la géographie de ce royaume, cela impliquerait de figer la fluidité de ce balai d’ombres, d’interrompre une danse qui jamais ne s’arrête, un acte impossible s’il en est. De rares zones stables -îlots dérivant dans une masse floue, capricieuse et fantasque- toujours limitées en dimensions, bénéficient de l’intervention d’un être ou d’une source d’énergie fixe, voire de la présence d’un objet, … à moins que cela ne résulte de la seule contingence.
En dépit de ces difficultés, on sait que ClérObskûr est composé de cinq provinces indépendantes aux contours flous et irréguliers que l’on appelle Nomes. Chacune de ces Nomes porte un nom -une conception singulière dans ce royaume- et est dirigée selon le bon vouloir d’un Ombrage.
Ce royaume est singulier à plus d’un titre
Aucune divinité, maître-démon ou prince-démon ne vient étendre son ombre ici. Cela n’implique pas qu’ils ne soient pas présents. Cependant, comment pourraient-ils éviter de croiser la route du maître des lieux, et, à n’en pas douter, risquer l’affrontement ? S’ils s’y trouvent, c’est avec son consentement.
En conséquence, la source d’énergie des prêtres provient d’ailleurs. Il faut croire que des voix inconnues -les esprits des ombres décomposés, peut-être- embrouillées dans les replis des ombres leurs chuchotent leurs savoirs. De même, on a jamais vu de magiciens munis de livre de sorts dans ce royaume. Sans doute profitent ils de l’acuité de leur intelligence pour extraire des ombres les arcanes compliqués, sibyllines aux autres, nécessaires à leurs sortilèges.
Royaume sans failles, royaume sans problèmes, royaume sans consciences ? Toujours est-il que l’absence de failles entraîne son indépendance. Les notions de « bien », « mal », « chaos » ou « loi » s’avèrent incongrues et absurdes dans ce lieu rétif, sourd aux sirènes de tous.tes ceux et celles qui s’amassent à ses frontières. C’est pourquoi, à l’instar du royaume des morts qui revêt à maints égards de nombreuses similitudes avec ClérObskûr, les forces du chaos et de la loi, le convoitent, d’autant que ce royaume se caractérise par son ubiquité. Comment alors déjouer l’attention du maître des lieux ? Épineuse question qui n’a jusqu’alors pas trouvée de réponse…
Le monde tangible, c’est ainsi que l’extérieur au royaume des ombres est désigné, est connu. Les natifs du royaume ne se sentent pas concernés par ce qui s’y déroule, arguant que ce dernier est vain et éphémère. Il existe une sorte de solidarité admise non écrite entre tous ses membres pour se dresser contre des forces qui œuvreraient à son étiolement, contre des puissances qui tenteraient de l’accaparer ou contre des personnes qui utiliseraient des énergies honnies.
On ne pénètre pas si facilement dans ce royaume. Les portails d’accès sont peu nombreux, mobiles et difficiles à localiser. D’autant que les Whôls, ces gardiens des ombres entièrement dévoués à leur mission, en bloquent l’accès. Dans ces conditions, il n’y a rien d’étonnant à ce que les non-natifs du royaume des ombres ne soient pas légion. Ici, on ne croisera nul aventurier en goguette, ces joyeux drilles à la recherche d’hypothétiques trésors. En guise de trésors, ils ne brasseraient que des ombres. De même, les habitants du royaume ne quittent pas leur royaume. Si certains s’y risquent, cela sera toujours à titre exceptionnel.
Un phénomène étrange et paradoxal sévit, c’est le mot, dans ce royaume. Des démons inféodés aux failles se sont nichés dans les creux des ombres. Ils comblent un manque. On suppose qu’ils profitent de l’absence de failles pour prospérer. Qui entraverait leur progression ? Ces démons que les résidents surnomment Ombres de la nuit sont de redoutables adversaires qui s’attaquent à tout le monde. Ils créent et modèlent les failles -ou plutôt les micro-failles- pour leurs usages, quant ils ne les retournent pas contre leurs opposants. Pour le plus grand malheur des habitants de ClérObskûr, ces « ombres agressives et endémiques » sont fréquentes et apparaissent comme étant la principale cause de dissolution des ombres.
On ne meurt pas ici. Une ombre vaincue rejoint la masse informe des ombres composant sa Nome, jusqu’à ce qu’une âme charitable accepte, si elle en a les moyens, de la reconstituer. Celle-ci devient dés lors « son obligé », selon un contrat défini entre les deux parties. Il s’agit sans doute de la raison pour laquelle la magie de revitalisation -type Raise dead, Resurrection, Reincarnation, ou Regenerate, etc.- ne fonctionne pas ici. On se soigne à travers les ombres, on s’y dilue aussi.
A ce propos, tous les êtres présents sur ClérObskûr -plantes, animaux, créatures magiques ou autres- relèvent d’un état semi-matériel, ambigu, à l’interface de la vie et de la mort. Matérialiser, summoner, ou façonner une créature, vivante ou morte, soulève des perspectives guère réjouissantes pour l’outrecuidant prétentieux. Utiliser, édifier ou fabriquer des matériaux autres que des ombres constitue une manœuvre vouée à l’échec. Chaque être provient de l’extraction de la masse générale des ombres. Chaque être est formé selon un processus naturel qui ne réclame aucune intervention magique ou divine pour devenir un être indépendant, mue par une conscience propre. Hormis les ombres, rien n’existe.
Les non-natifs du royaume éprouvent de grandes difficultés à s’adapter à ClérObskûr. Ceux qui frappent à la porte du royaume doivent se plier aux conditions physiques et mentales extrêmes imposées par ce royaume. Ceux qui y parviennent n’en sortent pas pour autant indemnes. Ils s’ajustent au prix de contorsions compliquées et non contrôlées. L’expérience montre que ceux ne sont pas nécessairement les plus puissants qui réussissent ce tour de force. Un entrant est toujours considéré avec suspicions par les résidents.
Les difficultés ne s’arrêtent pas là
=> D’une part, ces gesticulations entraînent une perte de la substance de l’entrant -il abandonne sa matérialité- ce qui a pour effet de réduire ses capacités. Les réactions à ces mutations varient d’un individu à un autre.
=> D’autre part, l’entrant doit être coopté par un natif lequel engage sa propre intégrité. Les Whôls acceptent ou n’acceptent pas cette cooptation.
Hormis l’Ombrage et les êtres exceptionnels, les natifs du royaume ne portent pas de nom. Nommer quelqu’un ou quelque chose ne signifie rien. Nommer suppose qualifier, distinguer, classer, hiérarchiser. La notion de rang social est dénuée de sens, il n’y a ni dominants, ni dominés, ni être singulier hormis ceux cités précédemment. En revanche, certaines ombres sont, pour des raisons inhérentes à leur nature, à moins que cela ne relève du hasard, promues par leurs paires. On ne croit pas que celles-ci en retirent de la fierté. Cela ne les intéressent pas.
D’ailleurs, qu’est ce qui les motivent ? A quoi aspirent-elles ? Cette question repose sur des considérations matérialistes très éloignées des préoccupations des résidents de ce royaume. Une ombre ne questionne pas le passé, elle ne s’interroge pas sur son avenir, elle accompagne le mouvement général des ombres qui l’englobe. Les résidents réagissent selon les circonstances. A une situation inhabituelle, les réponses divergent. Certains s’en accommodent, d’autres s’éloignent, quelques uns se rebellent. Une ombre demeure l’ombre d’une autre ombre laquelle était déjà, par essence, l’ombre de quelque chose ou de quelqu’un.
Les résidents des nomes, sont appelés Nomades. En dépit de cette affirmation trompeuse, la plupart restent cantonnés à la nome qui les a engendrés. Quelques uns s’aventurent aux nomes voisines, mais faut-il en avoir les moyens car si les déplacements intra-nomes ne posent pas de difficultés majeures, il en va tout autrement pour ceux inter-nomes. Il n’y a bien que les Whôls, les Ombres de la nuit, l’Ombrage et des êtres atypiques qui en ont les capacités. L’Ombrage peut transmettre ce pouvoir à d’autres personnes de son choix.
Chaque Nome contient des Ônes. Une Ône sert tout à la fois de monnaie d’échanges, de produits alimentaires, de boissons, de biens ou de matériaux destinés à l’armement. Chaque Ône se décline en différent type, chaque type ayant un usage spécifique. Les Ônes changent d’une Nome à l’autre mais elles sont reconnues dans tout le Royaume. Il existe une Ône unique, l’Onarië, par Nome. Cette Ône d’une très grande valeur, confère à son détenteur le statut d’Ombrage. L’Ombrage la porte en toutes circonstances et tous les nomades reconnaissent cet atours. On dit qu’il en existe toujours une seconde par Nome, dissimulée quelque part dans les replis des ombres. Sa découverte par une autre ombre déclenche un conflit entre les deux détenteurs des Onariës, car une Nome ne tolère pas deux Ombrages pour la gouverner.
Enfin, est-il nécessaire de préciser que les nomades haïssent les sources lumineuses et de chaleur. L’obscurité totale est peu appréciée. L’utilisation du feu est à proscrire.
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