Que sait-on des dragôns

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Que sait-on des dragons / Dragôns ?

Discrets, rares et puissants. Ces qualificatifs décrivent sans équivoques ces redoutables créatures. Au-delà du savoir commun, des rumeurs qui bruissent au gré du vent qui les porte de chaumière en chaumière, que peut-on en dire ? Et pourquoi donc maintenant ? Difficile d’apporter une explication rationnelle. La mélopée du temps fredonne un air de déjà-vu.

Au prix d’un effort considérable qui nécessite calme et concentration -autant d’instants qui manquent cruellement-, des lambeaux d’une lointaine réminiscence percent le voile épais qui obscurcissait vos souvenirs. Les rumeurs déforment la réalité, la distordent au point d’aboutir, dans sa version finale, à quelque chose de très éloignée de sa source. Dans le cas présent, loin de se fourvoyer, ces dernières omettent un aspect capital qui vous (re)vient à l’esprit. Il existe non pas une catégorie générique de dragons mais deux :

  1. – La première fait référence aux rumeurs évoquées plus haut. Ces créatures formidables, de taille, de couleur et de composition variables que, dans l’imaginaire collectif, des aventuriers insouciants chassent pour leurs trésors ou convoitent comme trophées. Ces dragons, certes redoutables, redoutés, n’ont rien d’un mythe. Domptables, rien n’empêche de les pourfendre. Évidemment, seuls les fous s’y essaient mais la tâche ne paraît pas impossible pour une équipe audacieuse, préparée et expérimentée.

  2. – C’est la seconde catégorie qui nous interpelle ici. On la désigne par Dragôn afin d’éviter toute confusion, bien qu’au premier abord, les deux espèces se ressemblent étrangement.

Au cours de la formation du Monde lié, la fragmentation puis l’agrégation en éléments spécialisés de matière engendra, fruit d’une lente maturation, les Maîtres-démons. Les Princes-démons ont été créés par ces Maîtres-démons. On connaît le rôle des Entités, des Éléments et –dans une moindre mesure- des Démons des failles. Des phénomènes anormaux donnèrent naissance aux êtres du Chaos et de la Loi. Bien que complexe, les contours de cette architecture paraissaient définis. Or, en divers points du monde, plusieurs belligérants signalèrent des êtres non répertoriés. On a cru tout d’abord à une supercherie, une manœuvre visant à déstabiliser une des factions. Bientôt, il ne fut plus possible de s’inscrire en faux. Des êtres inconnus dont on ignore l’origine et les motivations s’invitaient dans la danse.

Quelle place leur allouer ? Comment les envisager ? Une autre constatation s’imposa. Ces être, ces créatures –comment les appeler ?- n’interféraient pas dans le conflit général. Au point que les Entités s’en désintéressèrent. Amis, ennemis ou éléments impartiaux ? Il semble que nul n’ait trouvé de réponse. Les parties en présence sont dans l’expectative. Des Maîtres-démons et des Princes-démons ont tenté de lier connaissance, voire de collaborer avec eux. Sans résultats notoires. D’autres de les soumettre. On ne croit pas que d’aucun y soit parvenu bien que l’on ne puisse l’affirmer avec certitude. Cette espèce se montre retorse, résistante et capable de provoquer des dommages considérables. Alors on l’évite jusqu’à ce que l’un de ses membres se manifeste.

On garde un œil discret sur ces nouveaux venus à tout hasard… qui sait s’ils ne manigancent pas une opération d’envergure planifiée de longue date ? S’ils avaient un moyen de communiquer ou de se rencontrer qui nous échappe ? Afin de pallier à tout effet de surprise désagréable, des actions de repérage –malheureusement non concertées ni coordonnées, chaque “clan” agissant selon un mode opératoire spécifique – mesurées et secrètes ont été entreprises en vue de les étudier.

Ce qui a pu être observé. Si on considère que les Dragôns appartiennent tous à la même espèce, ce qui n’a rien d’évident tant ils paraissent dissemblables les uns des autres, ils n’en possèdent pas moins des traits de caractère communs reconnaissables. D’une puissance peu banale, indépendants, rarement belliqueux ce qui n’en font pas des anges, mus par des desseins obscurs et singuliers, insensibles aux effets des mycéliums ou failles -capables de les morceler et de les rendre inopérants-, attirés par les places reculées, s’appuyant sur une magie originale aux effets inédits, ayant une maîtrise de leur environnement étonnante, se déplaçant avec aisance, indifférents à l’action du temps. On comprend pourquoi plus personne ne leur cherche querelle, d’autant que l’on ignore leur nombre. Les Dragôns n’ont jamais été vus ensembles. Il est donc impossible d’imaginer une quelconque solidarité intra-espèce.

Ils communiquent avec leur entourage si nécessaire. Ils maîtrisent les différents langages pratiqués dans le Monde lié ou les Mondes faillés. Ils ne sont pas dénués d’humour. On prétend qu’ils ont la rancune facile. Attention à ne pas les froisser ! En effet, la flatterie, s’ils l’apprécient, s’avère un jeu dangereux, car comment deviner les limites à ne pas dépasser ? Contrairement aux dragons dits normaux, l’or ne les intéresse pas. On ne leur connaît pas de stade juvénile. Ils sont asexués et non alignés. Ils se conforment à la célèbre devise anarchiste qui prône l’indépendance et la liberté. C’est pourquoi, ils n’ont (n’auraient) ni dieu, ni maître… ni cache secrète commune où ils se réuniraient. Ils honnissent l’excès de lumière ainsi que l’état liquide, quel qu’il soit. Il n’existe aucun lien de parenté entre les dragons et les Dragôns.

Ils adoptent deux formes, passant de l’une à l’autre sans difficulté.

Si la première est similaire à celle des dragons courants elle s’en distingue par de subtiles différences qui ne résistent pas à l’inspection. Leurs écailles sont plus fines qu’à l’ordinaire au point de les dissocier du genre reptilien. Leurs yeux sont dépourvus de pupilles. Leurs griffes, couleur d’ébène, sont rétractables et acérées. Enfin leur taille n’excède pas dix mètres de long, queue comprise.

La seconde, bien plus hétérogène dans son expression, s’approche de l’humanoïde. On note toutefois une prédilection pour la figure elfique ou semi-elfique. La couleur de leurs cheveux rappelle celle de leurs écailles, de même que leurs yeux et leurs ongles.

Il ne reste plus qu’à les rencontrer pour s’en faire une meilleure idée… tôt ou tard, l’un d’entre eux se dresse sur nos pas sans que l’on sache si cette rencontre relève du hasard ou de la préméditation.