Insertion survenue à Fant, retour à la réalité temporelle : ici
♦ « Es-tu sûre que tu l’as vue partir par ici ? »
L’animal courait à ses côtés. Il se faufilait entre les ajoncs, sautait par-dessus les masses d’eau, disparaissait. Elle avait toutes les peines à le suivre. Bientôt deux oreilles noires se profilèrent parmi les hautes herbes. L’animal reprit sa forme humaine. La femme au teint blafard et aux cheveux d’ébène lui fit signe de ne plus bouger. Non loin d’elles, deux femmes discutaient masquées par d’épais rideaux de brume. Elle reconnut la première. Ils la suivaient depuis Fant. La seconde l’impressionna, autant par sa taille, elle devait avoisiner les deux mètres de haut, que par la prestance qu’elle dégageait. Son port altier peut-être… Elle avait quelque chose de surannée dans sa façon de s’exprimer, elle employait des mots étranges que son interlocutrice comprenait difficilement, qui l’intrigua. Son accoutrement était décalé. L’ouïe fine de sa compagne d’aventure fut d’un grand secours. Cette dernière lui transcrivit au fur et à mesure le déroulé de la conversation.
En substance l’inconnue proposait un marché. Elle l’abriterait chez elle. Elle mentionna l’existence d’une ville en ruine, Gax, localisée dans la partie Est des marais où elle pourrait la cacher si des recherches étaient entreprises pour la retrouver. Le temple, naguère dédié à Nésaé, avait résisté à la destruction… les habitants l’avaient désertés ou étaient décédés. Profitant de l’espace laissé vacant, d’autres créatures s’étaient installées. Aucun accord n’avait été passé avec ces créatures mais leur neutralité n’était pas sujette à caution.
L’esprit elfe redoutait quelqu’un dont elle préféra taire le nom de peur qu’il ne l’entende. Cet homme était versé dans les arts démoniaques. Malgré sa nature immatérielle, n’avait-elle pas déjà affrontée et succombée à la mort ? Elle était terrorisée à sa seule évocation. L’espionne du gouverneur la traquerait, cela ne faisait pas de doute. Une autre personne proche des félins-dont ils ne comprirent pas le nom- participerait à la traque. Quelqu’un de redoutable habitué à faire respecter la volonté du gouverneur à Fant et dans les marais.
Apparemment son interlocutrice les connaissait toutes les deux car elle hocha la tête soucieuse à la description qu’elle en fit. Cela ne lui plaisait pas du tout. Elle lui demanda alors s’il n’y avait pas une femme du nom de « Naosji(e), Naosgi(e)e » avec elles, mais l’autre répondit par la négative… cela la rassura visiblement car alors … qui sait si Nésaé ne s’éveillerait pas… Heureusement, quelqu’un –Frékélé, Phrequélé ou Thrékélé, son accompagnatrice n’avait pas saisi son nom exact- se portait garant de toutes intrusions. Il ne redoutait que « l’Étranger ? » et le « fou ?». Effectivement, ils avaient eu maille à partir avec le premier et l’altercation avait été épique. Il faut croire que l’inconnue attendait beaucoup de sa coopération avec notre elfe… Malheureusement, elles n’abordèrent pas cet aspect du traité qui avait dû être négocié dans une de leurs rencontres précédentes. Visiblement les deux s’appréciaient.
♦ …une coupure, puis… L’inconnue faisait allusion à des femmes qu’elle nomma « prêtresses du sens » ou « voix d’Alixa » ou quelque chose d’approchant, des femmes d’une importance capitale pour elle. Elle les avait aperçues par hasard, non loin d’un navire à demi-immergé. Pour être plus exact, seule l’empreinte d’un navire s’inscrivait dans les eaux. Elle ne comprenait pas ce prodige. Cette empreinte était nichée au cœur des marais, presque arrimée à des îlots … En tant que voix d’Alixa, ces prêtresses détenaient un savoir précieux. Elles acceptaient parfois –dès lors que l’on y mettait le prix- de le partager. L’inconnue semblait pressée de les questionner. En tant qu’ascètes, ces prêtresses refusaient tout contact. Seule une âme pure pouvait les approcher. Il était impératif de trouver une personne qui accepterait de servir d’intermédiaire. Elle la rétribuerait grassement. Après une longue hésitation, l’elfe poussa un cri qui les fit frémir –elle s’était oubliée-, apparemment elle l’avait dégoté … la conversation se poursuivie longuement puis l’inconnue s’éclipsa. Son corps devint translucide puis elle disparût.
L’elfe était seule. Son accompagnatrice se glissa sans bruit dans son dos… l’elfe n’eut pas le temps de pousser son cri meurtrier, elle s’effondra. Ils l’embarquèrent.
Insertion 12 Scène Fant